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Environnement et développement équitable

Gare aux fausses solutions

Laure Waridel, sociologue et auteure

Depuis que nos sociétés cherchent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, l'industrie nucléaire s'est «peinte en vert». Il s'agit d'un vernis, car la moindre analyse du cycle de vie de cette technologie révèle que l'énergie nucléaire n'est pas un choix écologique, ni même économique. Et que dire des risques qu'elle génère pour la santé?

Les mines d'uranium

L'uranium est essentiel à l'alimentation des centrales nucléaires. Or, la prospection et l'exploitation des mines, le raffinage, l'enrichis­sement et le transport de ce combustible nécessitent à chaque étape l'utilisation d'énergies fossiles et de nombreux produits chimiques.

Pour obtenir une tonne d'uranium, environ 500 tonnes de minerai doivent être extraites et traitées. Certains résidus miniers s'avèrent beaucoup plus toxiques que l'uranium lui-même, selon le Dr Éric Notebaert, médecin et chercheur en toxicologie. Le radon, le polonium 210, de même que le radium 226 sont quelques exemples de substances extrêmement toxiques qui, une fois remontées à la surface de la terre, voyagent dans l'air et dans l'eau. Quelques microgrammes de radium peuvent suffire à provoquer un cancer des os. Quant au polonium 210, il a la capacité de s'intégrer aux tissus des êtres vivants. Selon les études américaines de Los Alamos Nuclear Laboratory, citées par le Dr Notebaert, ce produit serait 250 milliards de fois plus toxique que le cyanure d'hydrogène!

Il n'est donc pas étonnant que certaines provinces et certains territoires aient interdit la prospection et l'extraction de l'uranium, et ce, malgré sa valeur marchande. La Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse l'ont fait. Au Québec, le conseil municipal de Sept-Îles a adopté un moratoire à la suite de la mobilisation de la population locale, et notamment de spécialistes de la santé.

Sortons le Québec du nucléaire

Au Québec, une seule centrale nucléaire est en activité. Il s'agit de Gentilly-2, dans la région de Trois-Rivières. Elle fournit moins de 3 % de l'électricité produite par Hydro-Québec. Cette centrale nécessite une réfection majeure qui nous coûtera collectivement au moins 1,9 milliard de dollars.

Michel Duguay, docteur en physique nucléaire et professeur à l'Université Laval, soutient que des options beaucoup moins coûteuses et beaucoup plus écologiques doivent absolument être privilégiées, non seulement pour des raisons de santé publique et d'environnement, mais aussi pour des raisons strictement économiques. L'efficacité énergétique, par exemple, coûte de 2 à 5 ¢ le kilowattheure comparativement à au moins 19 ¢ pour l'énergie nucléaire. Il faut en effet tenir compte des coûts associés à la gestion des déchets radioactifs. Pour l'instant, il n'existe aucun moyen de s'en débarrasser de manière sécuritaire. Ce problème est légué aux générations futures.

Le Dr Éric Notebaert fait partie des scientifiques membres du mouvement Sortons le Québec du nucléaire. Le 25 novembre, il cosignait dans La Presse, avec 34 autres médecins, une lettre réclamant l'abandon du projet de réfection de Gentilly-2. Ces médecins s'inquiètent du fait que le réacteur CANDU libère des quantités importantes d'eau radioactive, contaminée notamment par du tritium. Cet isotope radioactif de l'hydrogène est émis dans l'air sous forme de vapeur d'eau, et dans le Saint-Laurent sous forme d'eau tritiée radioactive. C'est plutôt inquiétant, quand on sait que notre fleuve est la principale source d'eau potable des municipalités riveraines et que, selon les normes en vigueur au Canada, le seuil d'acceptabilité est 467 fois plus élevé ici qu'en Californie.

L'opposition de ces médecins à la réfection de Gentilly-2 s'appuie notamment sur deux études récentes, des méta-analyses, qui ont montré une incidence plus élevée de cancers, surtout de leucémie infantile, en périphérie de 136 centrales nucléaires dans le monde.

Et le citoyen dans tout ça?

Il peut faire entendre sa voix en prenant part à la mobilisation Sortons le Québec du nucléaire. Plus de 80 organisations citoyennes en font partie, de même que de grands artistes comme Diane Dufresne, Isabelle Blais, Fred Pellerin et Richard Séguin. Il s'agit de miser sur d'autres énergies beaucoup plus écologiques, économiques et saines.

L'efficacité énergétique et la conservation de l'énergie devraient être notre priorité. Pensons à tous ces édifices et à toutes ces maisons maintenues jour et nuit à la même température, hiver comme été. Force est de constater que, dans certains édifices, notamment publics, les lumières sont allumées de jour comme de nuit. Que dire de toutes les constructions mal isolées? Il nous faut un Code du bâtiment écoénergétique qui intègre le solaire, la géothermie et d'autres technologies d'avant-garde. Une fois que nous aurons cessé le gaspillage, il sera légitime et profitable de développer d'autres filières énergétiques.

Hydro-Québec nous appartient. À nous d'en faire un outil de développement.